Cette année- là …
Aujourd’hui, 1er
juillet 1954, c’est la fin de l’année scolaire à l’école communale
« Cagouillet » (l’escargot en charentais). En rang, par deux, devant la porte de la classe du
CM2, nous attendons que la maîtresse apparaisse sur le seuil de la porte et nous dise
d’entrer en silence bien entendu. La journée s’annonce chargée : il faut nettoyer les
pupitres des bureaux avec la paille de fer pour enlever les taches d’encre et les éventuelles
écritures que nous n’avons pas oublié de griffonner ; ensuite, nous devrons cirer les
bureaux pour qu’à la rentrée prochaine, les nouveaux élèves prennent possession de ces
bureaux remis à neuf ou presque. À 11h30, certains rentrent chez eux pour le déjeuner,
d’autres s’installent sous le préau pour manger leur repas car ils habitent trop loin pour faire
l’aller et retour à pieds et tous se retrouvent à 13h30 dans la cour de l’école.
Le dimanche précédant l’école des filles et l’école des garçons se sont retrouvées au jardin
public, en présence de monsieur le sous-préfet, du directeur des garçons et de la directrice
des filles pour la remise des prix d’excellence et d’honneur : une cérémonie très officielle et
institutionnelle où monsieur le sous-préfet remet en personne le diplôme d’excellence à
l’élève qui a cumulé le plus de 1erprix…
Ce dimanche, veille de ce dernier jour de classe, tous les enfants de toutes les écoles
publiques doivent se retrouver au stade de Cognac pour « les landies » chorégraphie de
groupes organisée dans les écoles, mouvement de gymnastique. Les garçons et les filles
de l’école Cagouillet se sont entrainés pendant le dernier trimestre scolaire dans leur cour
respective et la semaine avant la manifestation, toutes et tous se sont retrouvés sur la
prairie, devant l’école, pour être coordonnés dans leurs mouvements et leurs
démonstrations du dimanche. Ce matin-là, les enfants , tous de blanc vêtus, garçons : short
et « marcel »blancs, filles : chemisier blanc et jupette blanche, le drapeau avec l’emblème
de la « cagouille » porté par l’élève qui avait eu le prix d’excellence la semaine précédente,
se sont mis en marche, 2 par 2, les filles devant, les garçons derrière, en ordre de grandeur
du plus petit au plus grand, sur un trajet de 3 km pour atteindre le stade, rejoindre toutes
les autres écoles publiques et participer à ce magnifique rassemblement qui se termine par
une « Marseillaise » chantée d’un seul chœur par les 3000 enfants présents et leurs
parents dans les tribunes…
Ce dernier après-midi, toutes les élèves sont dans la cour de récréation. Elles se donnent la
main pour faire une ronde et toutes, d’une même voix appellent : maîtresse, maîtresse… la
maîtresse se prête au jeu et se met au centre du cercle pendant que les enfants entonnent
la chanson traditionnelle : « vive les vacances, à bas les pénitences, mettons les livres au
feu et la maîtresse au milieu »… la maîtresse virevolte et tourne avec les enfants , qui, d’un
seul élan et en levant les bras au ciel, se précipitent vers leur institutrice en criant : vive
nôtre maitresse, on vous aime Mademoiselle. Celle qui a eu le prix d’excellence le
dimanche précédent, sort une feuille froissée de la poche de son tablier gris et lit un poème
de remerciements. Tout le monde est triste et quelques- unes essuient une larme furtive.
Les temps ont bien changé ; le mobilier et le matériel pédagogiques aussi ! Mais les
problématiques restent les mêmes : former des individus autonomes et responsables
capables d’agir sur le monde qui les entoure dans un projet de société humaniste et
solidaire.
On en reparle à la rentrée !
Bonnes vacances à tous.
Henriette MANUEL
Secrétaire nationale du pôle Sport et Société